La Chèvre et le chou · Portraits de l'agriculture aujourd'hui

Tous les mois, un focus sur le monde agricole ou un entretien avec un·e agriculteur·rice ou éleveur·euse, agrémenté d'un petit récit d'invention.

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Par Lucie B.
17 juil. · 9 mn à lire
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"On regarde la météo deux voire quatre fois par jour."

Hubert et Guillaume Brisset, agriculteurs dans le Pas-de-Calais

Ce mois-ci, j’ai eu la chance d’aller rencontrer Hubert Brisset et son fils Guillaume directement sur leur ferme. Ce sont d’anciens voisins et c’était un plaisir d’en apprendre plus sur leur métier et leur quotidien. Un grand merci à eux pour leur accueil et le temps qu’ils m’ont consacré !

Guillaume a rejoint son père sur la ferme il y a un peu plus d’un an et prévoit de la reprendre par la suite. L’entretien s’est déroulé principalement avec lui.

Vous retrouverez ensuite, comme chaque mois, un nouveau récit de ferme imaginaire.

Entretien

Peux-tu nous présenter la ferme en quelques mots ?

Nous avons 200 hectares situés sur plusieurs parcelles, c'est-à-dire un ensemble d'hectares contigus, qui font entre un et vingt hectares. Le blé et les pommes de terre de consommation sont nos productions principales, mais nous cultivons également des betteraves sucrières, du lin textile d'hiver et de printemps, des racines d'endives, de l'escourgeon - c'est-à-dire de l'orge d'hiver - et du chanvre textile.

Champ de betteraves, juin 2023Champ de betteraves, juin 2023

Le lin de printemps est semé au printemps, entre mars et avril. Le lin d'hiver est semé autour du 15 octobre. Les variétés de lin d'hiver sont spécifiques et gèlent en dessous de -7°C, c'est un cycle de végétation plus long qui permet d'éviter les périodes de sécheresse courantes au printemps. En revanche, il y un risque qu'il gèle lors de la reprise de végétation en février ou mars. C'est la deuxième année qu'on teste cette production d'hiver.

La récolte du lin se fait en plusieurs étapes. On l'arrache et on le pose à plat d'un côté dans le champ. Il faut d'abord qu'il sèche et fane, puis qu'il pleuve afin que des champignons et micro-organismes se développent - c'est le rouissage - pour permettre de séparer le bois de la fibre. Une fois qu'il a de nouveau séché, on le retourne et on attend que le même processus se fasse pour l'autre côté. L'ensemble du processus peut prendre un ou deux mois.

Hubert Brisset est président de la coopérative de teillage du lin Opalin. Je vous recommande grandement cette vidéo de Hast qui présente la coopérative et le processus de transformation du lin.

Et que sont les racines d'endives ?

L'endive est une plante biannuelle, elle pousse sur deux années. La première année, elle fait des réserves au niveau de la racine. Puis la deuxième année, elle utilise ces réserves pour faire une fleur ou refaire des feuilles. Nous produisons des racines d'endives, c'est-à-dire leur première année, avant de les vendre à un endivier qui va les "forcer" dans le noir. Comme l'endivier les place dans le noir, elles font des feuilles blanches, ce sont celles qu'on trouve en vente pour la consommation.

Test du désherbage de précision autour des pousses d'endives, juin 2023Test du désherbage de précision autour des pousses d'endives, juin 2023

Comment est-ce que vous décidez de la culture que vous allez mettre sur une parcelle ?

Nous avons un tableau qui remonte à une dizaine d'années qui nous permet de savoir, chaque année, ce qu'on a mis comme culture sur chaque parcelle. L'objectif est d'espacer les mêmes cultures sur une même parcelle afin d’avoir une rotation, par exemple on essaie d'avoir six ou sept ans entre deux cultures de lin ou d'endives sur une même parcelle. Pour les pommes de terre, c'est plutôt quatre ou cinq ans, pour les betteraves trois ou quatre ans. On alterne aussi les cultures d'hiver et les cultures de printemps sur une même parcelle. On ajuste tous les ans, en fonction du calendrier, du matériel disponible à tel ou tel moment.

On doit aussi faire attention aux normes qui entrent en vigueur d'une année sur l'autre. Pour les betteraves par exemple, on a pu obtenir une dérogation sur certaines années pour utiliser des néonicotinoïdes, d'autres années on ne l'a pas demandée. À partir de cette année, ils sont interdits. Les néonicotinoïdes permettent d'éviter les pucerons qui véhiculent la jaunisse virale de la betterave. Le virus passe l'hiver dans d'autres cultures ou dans les bordures, puis le puceron pique une plante infectée, et devient porteur du virus, et va ensuite transmettre le virus à la betterave. Dans le Nord, on est moins touchés par la jaunisse de la betterave, ou en tout cas on est touchés plus tard pendant la croissance de la plante, mais dans d’autres régions plus au Sud, c’est très compliqué. Quand les néonicotinoïdes sont arrivés dans les années 1990, ça a vraiment réglé le problème. On espère qu'on va mettre au point des variétés plus tolérantes à la maladie. Mais en gardant en tête qu'une variété plus tolérante à une maladie va être moins tolérante à une autre, c'est difficile de tout avoir.

Qu'en est-il des bâtiments et du matériel ? 

Nous avons récemment construit un bâtiment sur l'une des parcelles en vue de l'installation de Guillaume. Nous étions auparavant associés en GAEC* [Groupement Agricole d'Exploitation en Commun] avec des cousins puis nous avons divisé la ferme en deux, et nous avons créé une EARL* [Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée]. À l'heure actuelle, Hubert en est le gérant et Guillaume, qui a commencé à travailler à la ferme à temps plein l'année dernière, prendra le relais par la suite.

*Le GAEC et l’EARL sont deux types de structures d’exploitation agricole. Pour en savoir plus, c’est ici

Le nouveau bâtiment de l'EARL BrissetLe nouveau bâtiment de l'EARL Brisset

Nous partageons une partie du matériel avec nos cousins, par exemple le matériel pour les pommes de terre qui est à eux et qu'on utilise. En revanche, chaque ferme est indépendante dans ses choix. Nous avons aussi plusieurs tracteurs, des semoirs dont un semoir combiné à une herse rotative qui sert à semer les céréales, le lin et les couverts végétaux, une arracheuse à endives, le matériel pour la betterave, le matériel pour le lin ainsi qu’une moissonneuse batteuse. Nous avons aussi un pulvérisateur en commun qui permet de traiter les parcelles. Nous faisons quasiment tout nous-mêmes.

Est-ce que c'est rare qu'une ferme fasse tout sans externaliser ? 

Oui, de plus en plus rare parce que le matériel coûte très cher. Les agriculteurs sont obligés de partager le matériel dans une CUMA [coopérative d'utilisation de matériel agricole] ou de faire appel à des prestataires externes, c’est-à-dire d’autres entreprises, qui amortissent leur propre matériel en travaillant sur des surfaces importantes.

Comment t'es-tu retrouvé à travailler à la ferme ?

Ça a toujours été dans un coin de ma tête, j'y ai toujours passé beaucoup de temps. J'ai eu la chance de faire une prépa et une école d'agronomie pour voir autre chose. J'ai travaillé deux ans à l'Institut Technique de la Betterave puis j'ai eu l'opportunité de revenir à la ferme. J'y allais déjà souvent auparavant. La passation se passe bien, on s'entend bien ! Il y a beaucoup à apprendre, il faut suivre toutes les cultures, aller voir les parcelles notamment à des périodes critiques de croissance des cultures.

Avec quels types de partenaires externes travaillez-vous ?

L’agriculture fait vivre beaucoup de monde ! On travaille avec plusieurs conseillers. Nous sommes notamment adhérents d'un CETA* [Centre d'études techniques agricoles], c'est-à-dire un groupement d'agriculteurs qui finance un conseiller indépendant, et d'un GEDA* [Groupe de développement agricole], une émanation de la chambre d'agriculture qui a également un conseiller. On réalise un tour de plaine toutes les semaines ou tous les quinze jours, c'est-à-dire qu'on va voir des parcelles avec le conseiller. On travaille également avec un négoce et une coopérative pour les produits phytosanitaires[c’est-à-dire les pesticides], engrais et vente de céréales. On travaille enfin avec un comptable qui certifie nos comptes et des concessionnaires et mécaniciens pour la partie mécanique.

*CETA et GEDA sont des types de groupes de développement agricole qui rassemblent des agriculteurs sur un même territoire. Pour en savoir plus, c’est ici et dans une prochaine newsletter plus détaillée !

Champ de betteraves, juin 2023Champ de betteraves, juin 2023

Quels sont les débouchés de votre production ?

Pour le blé, on a pour objectif de faire de la qualité, avec une densité [le Poids Spécifique, c’est-à-dire la masse d’un hectolitre de céréales], un niveau de protéines, une hygrométrie [humidité] spécifiques. La récolte est achetée par un négociant puis part à l'export à Dunkerque ou en amidonnerie, ou éventuellement en fourrage si le blé n'est pas aux normes. Le lin et le chanvre sont livrés à la coopérative Opalin qui les teille, c’est-à-dire qu’elle extrait la fibre textile du bois. Les pommes de terre sont conditionnées par un acheteur pour les grandes et moyennes surfaces. Les racines d'endives sont sous contrat avec un endivier et les betteraves sont livrées à la coopérative Tereos et transformées en sucre ou en éthanol.

Quelles sont vos principales préoccupations aujourd'hui ?

Notre principale préoccupation est la météo. On la regarde tout le temps, deux à quatre fois par jour. On ne la maîtrise évidemment pas, on voit aussi les effets du changement climatique. Cette année, on a eu un printemps très humide puis une sécheresse. Les plantes emmagasinent des degrés chaque jour. Les degrés se cumulent. Le lin fleurit par exemple à 900 degrés-jour. S'il fait très chaud et qu'il ne pleut pas, le lin emmagasine rapidement des degrés, mais n'a pas d'eau pour pousser, donc la tige est très courte.

On suit aussi les marchés quotidiennement, notamment les cours des céréales et de l'engrais.

Les maladies sont une préoccupation importante, qui nécessitent un suivi très régulier, d'autant plus avec les réglementations qui évoluent et qui permettent ou non de traiter avec tel ou tel produit. On se sert d'un outil d’aide à la décision [c'est-à-dire un modèle mathématique couplé aux prévisions météos et aux stades des cultures] pour décider de traiter ou non les pommes de terre et le blé. Le blé est notamment souvent affecté par la septoriose, un champignon qui se propage notamment via les éclaboussures de pluie.

Parfois les gens oublient d'où vient ce qu'il y a dans leur assiette. On a manqué le coche de la communication, on a beaucoup laissé dire sur notre métier […]

La main d'œuvre pourra aussi être un problème à long terme, même si on n'a pas de souci pour le moment. On a aussi des cultures qui demandent beaucoup de main d'œuvre, on pourrait faire le choix de simplifier. Mais diversifier nos productions nous permet aussi de lisser le risque. Il y a presque toujours une culture qui ne donne pas beaucoup dans l'année. Par la suite, on aimerait bien tester d'autres choses, valoriser une production différemment ou produire plus de légumes.

Champ de blé, juin 2023Champ de blé, juin 2023

Et qu'est-ce qui te donne envie de venir travailler le matin ?

Voir que ce qu'on a fait comme choix pour une culture fonctionne, voir de belles cultures. Prendre un certain risque, se remettre en question. Le défi technique également. Il n'y a pas deux journées identiques,  il y a souvent un problème qu'on n'avait pas anticipé, on apprend beaucoup.

Comment est-ce que tu envisages l'évolution de l'agriculture dans les années qui viennent ?

L'adaptation au changement climatique va être un élément important. On va utiliser de moins en moins de produits phytosanitaires, on aura sans doute de nouvelles variétés plus tolérantes aux maladies, et des avancées technologiques. Cette année, on va par exemple tester une machine qui permet de désherber autour des endives sans toucher les endives, via des caméras.

La pression de la société sur les agriculteurs est aussi un sujet, parfois les gens oublient d'où vient ce qu'il y a dans leur assiette. On a manqué le coche de la communication, on a beaucoup laissé dire sur notre métier alors qu'en réalité on fait évoluer nos pratiques, en matière de produits phytosanitaires, de conseil indépendant… On nous enlève des moyens de production, par exemple des pesticides, sans forcément réfléchir aux conséquences à la suite.

Champ de chanvre, juin 2023Champ de chanvre, juin 2023

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La Ferme inventée #3 - Les Galeries des troglodytes

Bon sang, ça glisse. J’ai failli me tordre le pied. On ne peut vraiment pas lui faire confiance, à « Gueule de Glaise ». C’est bien la peine de payer un assécheur aussi cher pour qu’il laisse les boyaux dans un tel état d’humidité. J’exploite un des conduits les plus profonds, moi. Je mets déjà des plombes à descendre du Grand Hall-Grotte, je n’ai pas besoin de ça. En plus, si je me blesse aussi profond, qui va venir me récupérer ? « La Chauve-Souris », ma voisine d’exploitation ? Elle est en congé, tu parles. Je n’aurais plus qu’à crier à pleins poumons en espérant qu’un ascenseur-convoyeur m’entende. Ou un « Chipe-Récolte », tu ne sais pas. Selon les situations, tes pires ennemis peuvent devenir tes meilleurs amis.

Je continue à descendre dans le boyau. Les gouttes tombent des stalactites en concerto. Il va m’entendre, « Gueule de Glaise ».  Cela dit, même sans humidité, il faut être vigilant. Le sol est accidenté dans cette partie des galeries. Heureusement, j’ai mes lunettes de vision nocturne. Avec ma combinaison sombre zippée jusqu’au cou, ça me donne l’air d’un gros insecte. Manque plus que les ailes pour être une mouche. Faut abandonner le style pour avoir la sécurité, c’est comme ça. D’ailleurs ça fait combien de temps que je n’en ai pas vu, une mouche ? Aussi profond dans les Galeries de Knehl, y’a plus grand-chose de vivant, même plus de chauve-souris, de serpent des profondeurs. Y’a plus que les espèces qui vivent là à l’année, les troglobies, qu’on dit : les poissons albinos, des crustacées translucides, des petits insectes, des araignées maousses, des amphibiens chelous et nous, les agrodytes. Contraction d’agriculteur troglodyte. Les paysans des grottes quoi. La différence avec nos compères troglobies, c’est qu’on n’est ni aveugle, ni trop pâle. Au Grand Hall-Grotte, on nous fait des cures d’UV, de vitamine D et des jeux de stimulation optique. Et puis, deux mois par an, on peut aller voir le soleil. On est peut-être plutôt des troglophiles en fait, ceux qui ne font qu’une partie de leur année sous terre. Je me perds dans les termes.

J’arrive enfin à ma ferme. Une grande grotte en arc de cercle, lissée et tapissée de grosse tâches blanches. Ces dernières sont mon gagne-pain : les champignons cavernicoles. Ceux que je cultive sont de trois types : les champignons alimentaires, bien évidemment, les décoratifs (une encre spéciale et ils changent de couleur – t’en as à la surface qui trouvent ça joli), et les luminescents. Ceux-là sont les plus intéressants : une variété récemment découverte qui produit un rayonnement diffus. Ça remplace tout un tas de petites lumières à la surface de la terre. Imagine les économies d’énergie. Bon, malheureusement, ce sont aussi les plus difficiles à cultiver. Il faut respecter des conditions très particulières pour qu’ils stabilisent leur rayonnement. Impossible à faire sans l’aide des machines. Or, les engins qui permettent d’égaliser la température et l’humidité dans une partie de votre grotte sont chers. Alors, comme beaucoup, je fais surtout de l’alimentaire. Avec tous les intermédiaires, ça ne rapporte pas des masses. Pourtant avec les crises agricoles, les grottes ont pendant un temps été un eldorado. Mais c’est passé de mode. Pas assez de variété de cultures. En plus, ici-bas, on arrive à produire en masse, ce qui casse forcément les prix. C’est ce qui est rare qui est cher, comme ces fichus luminescents, que je vois scintiller là-bas. Ils ont l’air d’aller bien, pour une fois. Les conditions doivent leur plaire.

Je passe d’ailleurs à côté du contrôleur thermique. Quel boucan il fait, c’est dingue. Heureusement que mes champignons ne sont pas sensibles au bruit. Comme chaque début de journée, mon premier réflexe est de vérifier les mesures, les capteurs. Tout va bien. C’est ce qui est reposant avec les champignons cavernicoles alimentaires et décoratifs : eux, ce ne sont pas des petits bourgeois qui piquent une crise à la moindre occasion. Tu leurs donnes plus ou moins ce qu’ils veulent, ils sont contents, point. En vrai, j’ai de moins en moins besoin de regarder le contrôleur. « Ma ferme », je l’ai tellement dans le sang que quand j’arrive, tout mon épiderme, tous mes sens, savent si les conditions sont bonnes ou pas. Je nettoie un peu le système d’aération du contrôleur thermique, car le vrombissement me met déjà la tête en vrac. Il faudrait le changer mais je n’ai pas les ronds. C’est que j’ai été un peu optimiste de dire « ma ferme ». En réalité, cet endroit, je le loue. CaveCorp est propriétaire de la plupart des Galeries de Knehl, en contrat public-privé avec l’État. Il y a aussi quelques galeries qui appartiennent à l’armée, mais globalement ici, c’est chez CaveCorp. Ironie du sort, c’est aussi eux qui construisent les engins de récolte, en plus d’être propriétaires des conduits de remontées, des ascenseurs-convoyeurs et des outils de forage.

La « Chauve-Souris » dit que ce n’est pas normal. Elle fait partie de ceux qui affirment que les grottes doivent revenir aux agrodytes. Moi, je lui rétorque deux choses. Un, tu as déjà bien de la chance d’avoir trouvé du travail ici quand on sait le foutoir que c’est à la surface. Deux, t’imagines les moyens techniques et humains qu’il faudrait pour assurer des exploitations troglodytes sans la force de frappe de CaveCorp ? On se retrouverait avec d’immenses exploitations au main d’agrodytes très riches et on ne verrait pas la différence. Au moins, CaveCorp te laisse gérer ta parcelle de grotte comme tu l’entends. Tu ne fais pas de chiffre, c’est ton problème. La « Chauve-Souris » me parle de coopérative, d’auto-gestion. Elle me dit qu’une loi va bientôt passer qui autorisera les agrodytes à racheter leur ferme s’ils en ont les moyens. Elle rêve éveillée. Enfin, depuis qu’elle m’a dit ça, je mets quand même un peu de côté chaque mois, au cas où.

De toute façon, même si on rachetait nos fermes, le gros de notre vie sociale se déroulerait dans le Grand Hall-Grotte. Il faut le voir, cet endroit, une véritable ville dans une caverne d’une quinzaine de mètres de haut. Des bars, des restaurants, des lieux de jeux… tout en préfabriqués. Les bâtiments médicaux où il faut aller régulièrement. La mairie, qui est plus ou moins une succursale de CaveCorp. Les lieux de culte. Il y en a même un nouveau qui a ouvert, où l’on vénère le soleil et les esprits des profondeurs. En me baladant dans le Grand Hall-Grotte, je me demande parfois si on est des ouvriers, des mineurs, des fermiers ou un peu des trois.

C’est la pire journée. Celle où tous mes employés sont en congé, sauf moi. C’est comme ça, il faut bien quelqu’un qui « descende » pour vérifier que tout n’est pas parti en vrille. On est de drôles d’agriculteurs quand même, à pas pouvoir dormir prés de nos champs. Il fait trop froid ici, trop sombre. Le dos courbé, je vérifie toutes les LED à côté des plants de champignons. Allumées, il faut récolter. Pour les parties les plus profondes, je prends l’aérobloc, une machine qui lévite à quelques centimètres du sol dans un bruit de respiration d’asthmatique. Je récupère les quelques champignons qui ont leurs loupiotes allumées, puis je vais les déposer aux conduits de remontée. J’appuie sur le bouton et pouf, ça monte à la surface. Ils ont la belle vie les champignons. Leurs ascenseurs personnels sont beaucoup plus rapides et moins branlants que les nôtres. Parfois, je me dis que la « Chauve-Souris » se plaint beaucoup mais qu’elle n’a pas tort sur tout. Bon, ce n’est pas tout ça, je dois passer aux zones des décoratifs. Je me sens crevé alors que la journée commence à peine. Vivement que j’aille voir le soleil, moi. 

Merci pour votre lecture ! On se retrouve le mois prochain pour une nouvelle édition. D’ici là, je vous souhaite un bel été. Et comme toujours, n’hésitez pas à vous abonner si ce n’est pas déjà fait et à partager autour de vous :

A bientôt !