#14 Ecophyto 2030

Réduire l'utilisation des produits phytosanitaires en France

Bonjour à toutes et tous,

Vous vous rappelez peut-être qu’au cours des mobilisations du monde agricole en début d’année 2024, le gouvernement a annoncé suspendre la sortie de la mise à jour du plan Ecophyto afin d’en retravailler la nouvelle mouture. Celle-ci a finalement été publiée début mai 2024. Mais le plan Ecophyto, qu’est-ce que c’est ? Voici quelques explications.

Nous retrouverons ensuite une treizième édition des Fermes inventées de Vincent Leconte, un avant-goût de la prochaine édition de cette newsletter…

Bonne lecture !


Les plans Ecophyto

Un plan pour réduire l’utilisation de pesticides

La création du plan Ecophyto a été décidée lors du Grenelle de l’environnement de 2007. C’est aussi la transposition en droit français de la directive européenne 2009/128 dite "utilisation durable du pesticides".

Le premier plan Ecophyto a ainsi été mis en place en 2008. Initialement nommé “Ecophyto 2018”, il avait pour objectif de réduire, si possible, de 50% le recours aux produits phytosanitaires à horizon 2018.

Les produits phytosanitaires ou phytopharmaceutiques sont des substances utilisées pour protéger les cultures contre les bioagresseurs, c’est-à-dire les maladies, les ravageurs ou les adventices (mauvaises herbes), ou pour favoriser la croissance des plantes. Il en existe plusieurs types tels que les herbicides, insecticides, fongicides ou encore les adjuvants qui permettent de renforcer l’efficacité des produits phytosanitaires.

La présentation du plan indique en effet que “l’impact de ces produits, qui, par définition, agissent sur les organismes vivants, sur la santé humaine (applicateurs et consommateurs) et l’environnement, apparaît au coeur des préoccupations sociétales.” Le plan comporte ainsi 8 axes de travail tels que la formation et la sécurisation de l’utilisation des pesticides et le renforcement des réseaux de surveillance des bioagresseurs pour adapter au mieux les traitements.

Un dispositif de suivi quantitatif des progrès est intégré au plan : le NODU (nombre de dose unitaires), “calculé comme la somme des quantités de substances actives vendues chacune rapportée à la dose unitaire spécifique de la substance active”.

Le calcul du NODU, Formation DRAAFLe calcul du NODU, Formation DRAAF

Première mise à jour : Ecophyto II puis II+

La directive européenne 2009/128 prévoit une réévaluation du plan tous les cinq ans et, malgré un certain nombre d’actions mises en oeuvre, on constate que le NODU ne diminue pas. Le plan Ecophyto II est ainsi publié en octobre 2015, voyant l’objectif de réduction de 50% de l’utilisation de produits phytosanitaires reporté à 2025. Il est renforcé en 2018 par la publication de Ecophyto II+ qui inclut désormais une volonté de sortir du glyphosate. Parmi les actions structurantes proposées par Ecophyto II+, on trouve notamment :

  • La consolidation du réseau de fermes et d’expérimentation DEPHY qui a pour objectif de concevoir, tester et évaluer des systèmes utilisant une quantité moindre de produits phytosanitaires ;

  • La poursuite du dispositif Bulletin de santé du végétal (BSV) qui fournit gratuitement aux agriculteurs et conseillers une indication hebdomadaire de l’état sanitaire des cultures ;

  • La rénovation du dispositif Certiphyto, un document individuel attestant de l’aptitude des professionnels concernés à utiliser, vendre ou acheter des produits phytopharmaceutiques ou conseiller les agriculteurs ;

  • Ou encore accompagner 30 000 agriculteurs vers l’agroécologie.

Stratégie Ecophyto 2030, agriculture.gouv.frStratégie Ecophyto 2030, agriculture.gouv.fr

Mobilisation des agriculteurs et plan Ecophyto 2030

En octobre 2023, une proposition de troisième mouture du plan Ecophyto a été présentée au Comité d’orientation stratégique et de suivi d’Écophyto. Dans le cadre des mobilisations du monde agricole début 2024, les travaux sur cette troisième version ont été mis en pause afin que des adaptations soient proposés.

C’est ainsi que début mai 2024, le plan Ecophyto 2030 a été publié. Dans la note de présentation, on peut lire que “L’action engagée [a] permis d’enregistrer, pour la première fois depuis 2009, une baisse de l’usage de produits phytopharmaceutiques de synthèse, avec un retrait de 20% en 2022 par rapport à la moyenne 2015-2017”.

L’objectif d’Ecophyto 2030 est présenté ainsi : “la France poursuit son objectif d’une réduction de 50% de l’utilisation et des risques globaux des produits phytosanitaires, tout en se plaçant dans le respect d’un principe : « pas d’interdiction sans solution ».”

Le plan présente notamment les deux actions suivantes :

  • L’élaboration et la mise en oeuvre du Plan d’anticipation du potentiel retrait européen de substances actives et de développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (PARSADA). Celui-ci, comme son nom l’indique, vise à préparer le potentiel retrait de certaines substances des marchés européens en identifiants des alternatives viables.

  • Une réflexion autour des solutions pour agir sur les distorsions entre agriculteurs des Etats membres de l’Union européenne, et plus largement un objectif d’alignement des politiques publiques au niveau européen afin de “conjuguer ambition environnementale et concurrence loyale”.

Le NODU est remplacé par un autre indicateur de progrès : le HRI1, Harmonised risk indicator 1, Indicateur de risque harmonisé 1. Il est calculé en multipliant les volumes de pesticides vendus par des coefficients de risque.

NODU vs. HRI1 : pourquoi cette controverse ?

Pour mieux comprendre cette controverse, je vous invite à tout d’abord regarder cette courte vidéo de France 2.

“Si le NODU évite les biais liés aux grandes différences de doses homologuées entre molécules, il ne prend pas en compte les risques induits pour l’environnement et la santé et ne discerne donc pas l’évolution des usages des substances les plus préoccupantes”, écrit le site Plein champ. Un rapport de la commission d’enquête parlementaire dédiée au sujet explique ainsi que “la réduction importante des substances [toxicologiques] depuis 10 ans, sous l’impulsion de la réglementation […] est sans effet sur l’évolution globale du NODU. Pire, les choses pourraient même jouer parfois en sens inverse. En effet, lorsque l’on retire un produit classé [toxicologique], très efficace pour lutter contre les bioagresseurs, pour lui substituer un produit moins agressif mais moins efficace, qu’il va falloir appliquer en quantités plus importantes, et/ou à doses répétées, cela dégrade mécaniquement […] le NODU ».

A l’inverse, le site Générations Futures explique que “les coefficients de dangerosité sont trop faibles et ne contre balancent pas les quantités plus importantes de pesticides moins dangereux utilisés dans les calculs. L’usage de pesticides dangereux homologués à faibles doses peuvent ainsi donner un indicateur plus faible que l’usage de pesticides à bas risque employés en plus grande quantité homologuée.” Ainsi, en se basant sur l’indicateur NODU, l’usage des pesticides entre 2011 et 2021 est stable. En utilisant HRI1, l’usage des pesticides baisse de 33% sur la même période. Une vidéo de Générations Futures sur le sujet est disponible ici.

Graphique montrant l'évolution depuis 2011 du HRI1 et du NODU, AFP/La ProvenceGraphique montrant l'évolution depuis 2011 du HRI1 et du NODU, AFP/La Provence

À l’inverse, le site Plein champ écrit que “Si le NODU évite les biais liés aux grandes différences de doses homologuées entre molécules, il ne prend pas en compte les risques induits pour l’environnement et la santé et ne discerne donc pas l’évolution des usages des substances les plus préoccupantes”. Un rapport de la commission d’enquête parlementaire dédiée au sujet explique ainsi que “la réduction importante des substances [toxicologiques] depuis 10 ans, sous l’impulsion de la réglementation […] est sans effet sur l’évolution globale du NODU. Pire, les choses pourraient même jouer parfois en sens inverse. En effet, lorsque l’on retire un produit classé [toxicologique], très efficace pour lutter contre les bioagresseurs, pour lui substituer un produit moins agressif mais moins efficace, qu’il va falloir appliquer en quantités plus importantes, et/ou à doses répétées, cela dégrade mécaniquement […] le NODU ».”


Quelques liens pour mieux comprendre l’actualité

Dans cette période d’actualités politiques chargée, voici quelques ressources, bien sûr non exhaustives, pour vous informer :

  • Le Monde, Législatives 2024 : sur l’agriculture et l’alimentation, le « minimum syndical » des programmes, 26 juin 2024

  • Chambres d’agriculture, Législatives 2024 : les 12 priorités des Chambres d’agriculture, modifié le 26 juin 2024

  • Vie-publique.fr, Projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, 10 juin 2024

  • Réseau Action Climat, Que proposent les programmes aux législatives 2024 pour le climat et la transition juste ?, 26 juin 2024


La Ferme Inventée #13

Le Chant des vignes insulaires

Il existe un pays au climat méditerranéen, un pays qui pourrait avoir été chanté par Homère et décrit par Camus, un pays composé de myriades d’îles. Elles sont rocailleuses, certaines blanches de calcaire, d’autres grises ou brunes. Une végétation obstinée, y pousse vaille que vaille : arbres aux troncs tordus, buissons de garrigues, rameaux d’olivier… Pour autant, le vrai trésor de leur flore est noueux, feuillu, généreux en grappes et en grains. C’est la vigne. Cette nation-archipel est célèbre pour son vin, renommé pour son goût autant que pour les paysages où il est récolté.

Il faut se représenter des criques et des calanques, aux flancs remplis de terrasses. Il faut imaginer ces pentes gorgées de plans de vignes, les plus bas touchant presque l’eau, les plus hauts caressant les sommets. Il faut voir pour le croire, ce ballet des couleurs que jouent la mer bleutée et les rangées verdoyantes.

Imaginez-vous, nageant dans ce bain cristallin ou naviguant en canoë. Depuis la mer, vous avisez l’entrée d’une calanque, où un bras d’eau semble remonter telle une gorge de rivière ou un fjord nordique. Vous y entrez. Vous y entrez et vous n’en croyez pas vos yeux. Tout autour de vous, les parois sont couvertes de vignes. Partout où elles peuvent pousser, elles poussent. Quelques branches viennent même caresser l’eau. Quelques-unes sont sauvages, surtout dans les premiers contreforts. Mais vous arrivez bientôt sur ces flancs ordonnés où pallier par pallier, rangée par rangée, la vigne se récolte. Vous êtes toujours dans l’eau. Votre passage fait doucement clapoter quelques vagues sur la roche. Vous vous demandez par quel prodige le monde marin et celui de l’agriculture peuvent aussi bien se marier. Vous avancez encore et vous commencez à entendre des voix.

C’est le temps des vendanges. Les insulaires de tous les villages sont là. C’est leur culture, leur fierté. Si tu vis sur l’île, quelle que soit ta caste, quel que soit ton âge, tu participeras aux vendanges. Tu viendras, habillé de tuniques de tissus fins et de chapeaux de paille, te pencher toute la journée dans une ambiance rieuse. Les enfants resteront entre eux, jouant à l’abri du soleil sous quelques pergolas. Les anciens aideront comme ils peuvent ou prépareront les repas. Tous les autres, hommes ou femmes, récolteront la vigne. Certains passeront, courbés, entre les plans. D’autres, les plus agiles, s’attaqueront aux branches les plus acrobates. Celles du vertige et de l’à-pic. Ils enfileront leurs baudriers et iront en rappel récupérer chaque grappe. On les appellera voltigeurs.

À chaque fois qu’ils voudront faire une pause, ils n’auront qu’à se déshabiller et sauter dans l’eau, qui est là, tout prêt. Qui les attend. Entre baignade et récolte, se passera la journée. Un grand repas réunira tout le monde au déjeuner. Les plus gourmands ne pourront pas s’empêcher de prendre pour dessert quelques grains de raisin. À intervalles réguliers, de petites carioles viendront chercher leur dû, serpenteront les routes jusqu’à retourner aux entrepôts, là-haut sur la montagne. Et ce jusqu’aux soirées de fêtes, où l’ont sortira les instruments, où l’on goûtera le jus de raisin.

Mais pour l’instant, c’est le matin. Vous avancez dans la calanque. Là-bas, en terminus du voyage, vous voyez une plage de sable fin. Quelques cabanons. C’est alors qu’une mélodie s’élève des parois, comme si la vigne chantait. L’air des vendanges. La musique de la récolte. Le chant des vignes insulaires.

« A toi, ami qui, hier goûta,

Notre si bon breuvage,

N’oublie pas, dis, qui récolta,

Ces rameaux, ces feuillages.

Quand devant toi, sur l’continent,

Ta coupe sera pleine.

Verre entre amis, au restaurant,

Oublie toutes tes peines.

C’est le doux vin,

De la calanque,

Et des soirées de fêtes,

Ce n’est pas en vain,

Que l’on s’en flanque

Pour s’faire tourner la tête.

Quand l’vin est bon pour la soirée,

Qu’importe ce qu’il porte,

La robe est rouge, blanche ou rosée,

Faut vite qu’on l’apporte.

De la voltige ou des rangées,

On parle le même langage.

Celui du vin, de l’amitié,

Des enfants pas très sages.

C’est le doux vin,

De la calanque,

Et des soirées de fêtes,

Ce n’est pas en vain,

Que l’on s’en flanque

Pour s’faire tourner la tête.

Mon bon Monsieur, ma bonne dame,

Venez pour les vendanges,

Aider ici toutes ces bonnes âmes

Ces fripons, ces gueules d’anges.

Car roches, vignes et puis les plages,

C’est un si beau mariage.

Vive le vin, vive l’eau de mer,

Servons-nous donc un verre.

C’est le doux vin,

De la calanque,

Et des soirées de fêtes,

Ce n’est pas en vain,

Que l’on s’en flanque

Pour s’faire tourner la tête. »


Merci pour votre lecture ! Je vous souhaite un beau début d’été et je vous retrouve en juillet pour un nouvel entretien.

Comme toujours, n’hésitez pas à m’écrire pour toute remarque ou suggestion.

A bientôt !

La Chèvre et le chou · Portraits de l'agriculture aujourd'hui

Par Lucie B.

Il faut bien parler un peu de soi : voilà quelques années que je m’intéresse, de plus ou moins loin, aux sujets agricoles et alimentaires. Ça a commencé avec les articles de WE Demain au lycée, entre retour à la terre et nouvelles inventions. C’est aussi l’époque où j’ai découvert que manger, c’est à la fois essentiel et chouette. J’ai poursuivi mon bout de chemin en intégrant les enjeux agricoles et alimentaires à mon cursus d’études, à mes activités (notamment via du WWOOFing et la formidable association Au Coeur des Paysans). Cette newsletter, c’est pour moi une continuité dans mon envie de mieux comprendre comment on produit aujourd’hui, dans des sociétés en plein questionnement. Je suis accompagnée par Vincent, comédien, metteur en scène et auteur aux multiples talents et à l’imagination intarissable. Il inventera pour nous, de newsletter en newsletter, des fermes imaginaires.