La Chèvre et le chou · Portraits de l'agriculture aujourd'hui

Tous les mois, un focus sur le monde agricole ou un entretien avec un·e agriculteur·rice ou éleveur·euse, agrémenté d'un petit récit d'invention.

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Par Lucie B.
26 sept. · 8 mn à lire
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"L'élevage permet de pérenniser l'agriculture."

Jacques Huet, éleveur laitier et agriculteur du Pays de Bray

Bonjour à toutes et tous, ce mois-ci j’ai eu le plaisir d’échanger avec Jacques Huet, éleveur laitier et agriculteur. Il est établi avec son associé dans la partie du Pays de Bray situé en Seine-Maritime. Je vous laisse découvrir son métier…

Avant d’enchaîner, bien sûr, avec une ferme imaginaire rafraîchissante !

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Bonne lecture !

Les vaches en extérieur (Crédits : Jacques Huet)Les vaches en extérieur (Crédits : Jacques Huet)

Entretien

Depuis quand êtes-vous éleveur laitier ?

J'ai grandi dans la ferme de mes parents, éleveurs laitiers, que j'ai ensuite reprise seul pendant cinq ans. Au bout de ces cinq ans, j'ai souhaité m'associer, c'est dur de travailler tout seul, on fatigue au bout de quelques années. Je me suis donc associé avec un voisin en GAEC [Groupement Agricole d’Exploitation en Commun], nous avons rassemblé nos deux exploitations. Nos fermes étant situées d'un côté et de l'autre d'une cuvette, on a décidé de construire un bâtiment entre les deux pour y mettre les vaches, pour qu’elles ne soient pas chez l'un ou chez l'autre. L’objectif était que ça n’engendre pas du travail supplémentaire pour celui qui les accueillerait et qui aurait donc l'impression de surveiller le troupeau. Dans notre entourage, on nous disait que ça ne fonctionnerait pas.

Trente-deux ans plus tard, ça fonctionne toujours du tonnerre. Avec mon associé, on voulait que ça fonctionne comme ça pour avoir du temps libre. Nos conjointes respectives ne travaillent pas pour la ferme, et appréciaient qu'on arrive à dégager du temps, au départ un dimanche sur deux. Aujourd'hui, on a nos soirées et un weekend une semaine sur deux, avec trois semaines de vacances dans l'année. L'objectif du rassemblement était de voir si profiter de la vie de tous les jours tout en faisant ce métier était conciliable. Il y a trente ans, les vacances étaient un peu tabou dans le milieu agricole, notamment dans l'élevage.

*Le GAEC est un type de structure d’exploitation agricole. Pour en savoir plus, c’est ici

Pouvez-vous présenter la ferme en quelques mots ?

La ferme est située dans la Boutonnière de Bray, un territoire à cheval sur les départements de l'Oise et de la Seine-Maritime, propice à l'élevage car assez humide. D'ailleurs, "bray" veut dire "boue" en patois.

On a commencé avec une centaine d'hectares, puis cent trente. L'exploitante d'une ferme du coin est ensuite entrée dans la société pour nous transmettre soixante hectares supplémentaires. Une partie des terres sert de prairie pour nos vaches - environ 115 vaches de race Holstein - et une autre partie est cultivée. En plus du lait, on produit du lin textile, du maïs, du blé, de l'orge et du colza.

Pour en savoir plus sur les caractéristiques de la Boutonnière de Bray, c’est ici.

Jacques Huet et son fils Benjamin (Crédits : Jacques Huet)Jacques Huet et son fils Benjamin (Crédits : Jacques Huet)

Est-ce que les éleveurs laitiers mettent toujours en culture une partie de leurs terres ?

Il faut diversifier, sinon c'est très dur. Les céréales et le lin sont complémentaires à l'élevage laitier. Les effluents d'élevage nous permettent d'enrichir les terres en phosphore et en potasse. On ajoute seulement de l'azote comme intrant chimique.

En fait, l'élevage permet de pérenniser l'agriculture. Si on arrête l'élevage au niveau mondial, on aura de gros soucis dans cinquante ans. On le voit dans des régions comme la Beauce et la Brie, qui avaient autrefois des terres très riches mais qui le sont beaucoup moins aujourd'hui avec la raréfaction de l'élevage. Les agriculteurs de ces régions épandent du phosphore chimique mais il n'est pas complètement assimilé par les plantes. Ce qui n'est pas assimilé reste dans le sol mais ne peut plus servir. En utilisant les effluents d’élevage, on garde un taux de matière organique élevé dans le sol. La matière organique permet au sol de travailler, d'avoir des vers de terre par exemple. Le sol est plus perméable et l'eau s'infiltre mieux. Lorsqu'on remet une prairie en culture chez nous, c'est impressionnant, ça pousse facilement, les blés sont toujours plus beaux.

Comment fonctionne la rotation entre les cultures et les prairies ?

Pour ce qui est des cultures, on commence souvent par du maïs - c'est une tête d'assolement - puis du blé la deuxième année et de l'orge ou du blé la troisième année, puis on revient généralement au maïs. C'est ce qu'on appelle un assolement triennal. Il existe différents types d'assolement, les exploitations bio par exemple travaillent sur des périodes plus longues.

Les prairies sont situées plutôt près des bâtiments. Les vaches sont à l'extérieur autant que possible entre mai et octobre. Mais il est très difficile de gérer des vaches laitières nourries uniquement avec de l'herbe, parce que la qualité de l'herbe est inégale. On les nourrit donc également la nuit avec une alimentation plus riche, par exemple des sous-produits d'amidonnerie ou d’éthanol de blé. Une alimentation diversifiée permet à la panse de la vache de bien travailler et d'avoir du lait de qualité.

Le bâtiment qui abrite les vaches (Crédits : Jacques Huet)Le bâtiment qui abrite les vaches (Crédits : Jacques Huet)

Si les vaches n'allaient pas du tout à l'extérieur, est-ce que le lait serait de meilleure qualité ?

Le lait serait plus riche. Quand les vaches sont enfermées, on a un meilleur contrôle sur leur alimentation. Mais garder les vaches en intérieur peut créer d'autres problèmes, ce n'est pas bon pour leur santé, par exemple leurs pattes peuvent avoir des infections, les ongles poussent trop et il faut les tailler... Et bien sûr, les vaches aiment aller dehors quand il est fait beau, pas trop chaud, et que l'herbe est bonne.

À quoi ressemble une journée type dans votre ferme ?

Auparavant, on se levait à cinq heures et on était au bâtiment un quart d’heure plus tard pour s'occuper de la traite et de l'alimentation. Aujourd'hui, on a embauché une salariée anciennement apprentie chez nous, ce qui nous permet plus de souplesse. Deux d'entre nous arrivent à six heures pour la traite tandis que le troisième ne commence qu'à 8h30 mais s'occupera de la traite du soir. Il faut compter environ une heure et demie de temps de traite. Cela rythme la journée qui est également occupée par le suivi des cultures, l'administratif, etc. Notre salariée s'occupe par ailleurs de l'insémination, qui est artificielle. Elle est accompagnée par un service dédié qui réalise notamment des échographies mensuelles.

Comment fonctionne la traite ?

Les vaches avancent huit par huit, il y a un système de reconnaissance automatisé des bêtes pour identifier par exemple celles qui ont récemment vêlé [mis bas un veau]. Elles ont également un collier qui mesure leur piétinement, ce qui permet de suivre leurs mouvements et leur santé.

Les vaches en stabulation (Crédits : Jacques Huet)Les vaches en stabulation (Crédits : Jacques Huet)

Quels sont les débouchés de votre production ?

On vend notre lait à la coopérative Sodiaal qui s'occupe également de la transformation du produit. Le camion passe tous les trois jours. Même si c’est plus souple qu’auparavant, une forme de quotas laitiers existe toujours, on est contraints à un certain volume. Mais la plupart du temps, les éleveurs ne veulent pas produire plus, ça ne vaut pas le coup. On voit bien que ceux qui ont deux cent ou trois cent vaches sont épuisés.

Le blé et l'orge sont stockés et vendus au fur et à mesure en fonction des opportunités du marché. Le colza est vendu directement après la récolte parce qu'il est difficile de le stocker. Enfin, le lin est vendu à une coopérative dédiée.

N.B. Le régime des quotas laitiers a été mis en place en 1984 dans le cadre de la politique agricole commune de l’Union Européenne pour limiter la production laitière qui était alors excédentaire. Ce régime a pris fin en 2015. Pour en savoir plus, vous pouvez regarder cette petite vidéo du Monde.

Qu’est-ce que vous appréciez dans ce métier ?

L'élevage n'est pas ma tasse de thé. Je le fais parce que c'est une partie intégrante de l'exploitation et parce que ça a du sens dans la région où nous sommes situés. Mon challenge au départ était de concilier exploitation agricole, augmentation du niveau de vie et temps libre. On a réussi tout cela avec mon associé. En trente-deux ans, on ne s'est jamais disputés, on est complémentaires.

C'est aussi agréable d'être son propre patron et d'organiser son travail comme on le souhaite. Il faut être très polyvalent, il y a une grande diversité de travail, électricien le matin, comptable l'après- midi…

Aujourd'hui, le challenge est de transmettre. Deux de mes enfants sont potentiellement intéressés, et ajouteront peut-être à la ferme actuelle une activité de transformation des produits.

Comment votre métier a-t-il évolué depuis votre installation ?

Au début, c'était un peu une course en avant, avec beaucoup de pression, pour réussir à faire marcher la ferme et à avoir un revenu, mais c'était bon enfant. Aujourd'hui, il y a des enjeux financiers importants, de l'achat de matériel très perfectionné. Mais on a pu capitaliser au fur et à mesure et on a aujourd'hui un salaire décent.

En revanche, la surcharge administrative est énorme. Heureusement qu'on travaille avec des organismes compétents qui nous conseillent et nous aident à analyser et comprendre les contraintes. Même si on respecte les normes, la perspective d'un contrôle fait toujours peur, par exemple sur les produits phytosanitaires [c'est-à-dire les produits dits de protection des plantes, tels que les pesticides]. Il me semble qu'on devrait nous faire davantage confiance. Il y a également de nombreuses attaques sur l'agriculture dans les médias, que ça soit dans des médias grand public ou des revues spécialisés sur l'agriculture.

J'ai aussi été très impliqué dans d'autres instances, on a tenu à dégager du temps pour la vie publique, par exemple en mairie, en banques, etc. Cela donne une ouverture d'esprit, je pense que c'est important. J'ai l'impression que les nouvelles générations d'agriculteurs sont moins impliquées. Ça prendra peut-être d'autres formes, via les réseaux sociaux par exemple.

D'ailleurs, comment pensez-vous que l’agriculture va évoluer d’ici dix ans ?

C'est très difficile d'être seul. J'imagine bien une agriculture qui se ferait davantage en groupe, à trois ou quatre exploitants, avec peut-être plus d'activités telles que de la transformation. Pourquoi pas également avoir un autre métier à côté, comme dans le Tyrol en Autriche. Ça demande de l'intelligence de travail et une bonne entente, mais je pense que ça vaut mieux qu'une course incessante à la réussite. En revanche, revenir à de toutes petites structures sans matériel, je n'y crois pas. La société ne sera pas assez reconnaissante pour accepter de payer plus cher pour manger.

Une autre piste serait de produire sa propre énergie, et de ne pas consommer plus que ce qu'on peut produire, pour ne pas être dépendant des hausses énergétiques. On n'a pas encore de tracteurs électriques à forte puissance, mais ça viendra sans doute. On pourrait recharger le matériel grâce à des panneaux photovoltaïques installés sur les toits des bâtiments.

Récolte d'herbe pour préparer le stock hivernal (Crédits : Jacques Huet)Récolte d'herbe pour préparer le stock hivernal (Crédits : Jacques Huet)

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La Ferme inventée #5 - L’Élevage des volcans

Rawene sort de sa maison en pierre ponce, en sifflotant, un grand sac sur le dos. La chaleur à l’extérieur frôle les cinquante degrés. La jeune fille a le visage buriné des Vulcaniens. Elle porte une tunique fine et confortable, ainsi que des chaussures de toile. Guidée par son pas sûr, elle chemine tranquillement au flanc de l’immense volcan qui surplombe son village. Ce dernier est composé de quelques cahutes dont le confort rudimentaire ne gêne pas les Vulcaniens. C’est une communauté d’ascètes, dédiée à l’adoration des esprits de la lave et à l’agriculture. La plupart cultivent les terres arables que les multiples éruptions d’Eknor Ghevelt, « La Montagne Généreuse », ont rendu fertiles. Mais pas Rawene. Avec sa mère, elle se dédie à un autre type d’agriculture. Un élevage très particulier.

Au détour d’une grande roche calcifiée, elle s’arrête un instant pour contempler le paysage. Au loin, derrière le passage de Khar, la chaîne des Mirx est entrée en éruption. Le ton rougeoyant de la lave semble répondre aux teintes orangées du ciel. La plupart des montagnes bavent leur liquide de feu, mais certaines s’amusent à l’explosion, projetant d’immenses débris en l’air. On dirait un feu d’artifice. Plus haut, des éclairs bourdonnent au sein de lourds nuages d’orage. La tempête et les volcans rivalisent en démonstration de force. C’est le spectacle magnifique d’une nature en lâcher prise. Un son et lumière grandiose. Rawene est toujours émue de contempler une éruption. C’est pour elle une fête des esprits de la lave. Elle sait néanmoins, comme tous les Vulcaniens, qu’il faut être attentif. Dans cette région de roches brunes, les géants de pierre peuvent se réveiller d’un seul coup. Pour l’instant, Eknor, leur montagne tutélaire, est assoupie, comme ses frères et sœurs de la chaîne. Mais cette situation peut changer à tout moment. Il faut guetter les secousses, les signes. Les vulcaniens sont formés dès leur plus jeune âge à ressentir les humeurs de la terre jusque dans leur chair. Ils savent qu’il faut se tenir prêt à partir en laissant tout derrière soi, pour rejoindre les abris de la Vallée Calme. En attendant de revenir ou de trouver une nouvelle montagne tutélaire, selon l’ampleur des dégâts.

Rawene a repris sa route. Elle monte maintenant un chemin accidenté. Après quelques minutes d’ascension, elle parvient à la clôture. Celle-ci est très rudimentaire : une simple palissade de bois. Construire de trop belles œuvres dans un territoire aussi incertain n’a aucun sens. De toute façon, les occupants du « champ pierreux » n’ont pas de grandes velléités d’évasion. Un obstacle simple suffit à arrêter leur course et leur faire faire demi-tour. Ils sont tous là, posés sur ce grand espace en pente. Certains somnolent sur de gros rochers. La plupart sont rassemblés, immobiles. Il n’y en a qu’un qui avance, très lentement. Buhl, toujours le plus agité. Si tant est que ce mot puisse avoir un sens quand on parle des coquifeux.  

En contemplant ces drôles d’animaux, un observateur extérieur, au hasard un touriste des Villes Abritées, les comparerait sûrement à de gros escargots. De fait, les coquifeux sont sans doute leurs lointains cousins. Ils partagent avec eux ce corps mou, cette grande coquille et les antennes surmontées par des yeux. Cependant il y a des différences notables : un coquifeu moyen fait la taille d’une vache et on a vu certains spécimens atteindre celle d’une petite maison. Leur cœur est le plus grand du règne animal. Leur peau est toujours violacée. Leurs yeux sont beaucoup plus grands et expressifs que ceux de leurs petits cousins. Leur coquille, couleur métal sombre, peut prendre des formes plus diverses que la simple sphère. Buhl, par exemple, a une pyramide sur le corps. Surtout, elle est d’une résistance incroyable. Lorsque les coquifeux s’y réfugient, même la lave ne parvient pas à les égratigner. Autant dire qu’un coquifeu boudeur qui ne veut plus sortir de sa coquille est un calvaire pour les Vulcaniens. Et enfin les coquifeux bavent abondamment, beaucoup plus que leurs petits camarades. Cette transpiration continue permet de maintenir leur corps au frais même dans les températures les plus extrêmes. C’est précisément cette bave que Rawene est venue chercher.

Bien sûr, elle pourrait également venir récupérer une coquille. Celles-ci se vendent des fortunes sur le marché de l’armement et de la défense. Cependant, aucun coquifeu n’est mort et tuer l’un d’entre eux pour dérober son abri est l’un des crimes vulcaniens les plus graves. Les actions de braconnage sont durement réprimées. Rawene attendra donc que l’un de ses protégés meure et que la majorité de son corps flasque s’évapore. Elle enlèvera avec respect la partie restante asséchée, puis informera les revendeurs. Malgré la perspective d'importants revenus, elle n’a pas hâte. Elle aime son troupeau comme des membres de sa famille. Elle connaît le nom de chacun et pourrait expliquer le caractère de tous à un interlocuteur interloqué de constater autant de différences d’humeur dans des animaux si paisibles.

Le terrain familial de Rawene est à flanc de volcan. Il comporte des formations géologiques diverses, qui stimulent les coquifeux. Contrairement aux apparences, ceux-ci s’ennuient sur des terrains lisses. Pourtant, certains éleveurs moins scrupuleux les placent sur des champs plats, dits « en cuve ». L’objectif est que la température y soit la plus haute possible, pour récolter un maximum de bave. La mère de Rawene et elle ont toujours préféré privilégier le bien-être de leur troupeau. Elles ont la conviction que cela donne de meilleurs produits, en plus d’être une méthode plus « humaine ».

Rawene se rend dans une petite cabane en bord de champ. Là, dans une sorte de four à pain, elle allume un feu, puis place au-dessus la nourriture du troupeau, qui attend en tas : un mélange de céréales et de terre remplie de nutriments. Elle en fait des petites boules. Il faut qu’elles soient bien chaudes, presque brûlées. Une fois qu'elles sont prêtes, Rawene s'équipe de grands gants accrochés à des clous et verse le tout dans un grand chariot en acier. Cahin-caha, elle le rapporte ensuite à l’entrée du champ et pénètre à l’intérieur de la clôture. Dès qu’ils entendent le son des roues sur la pierre, tous les yeux des antennes se tournent vers Rawene. Lentement mais sûrement, les gastéropodes se dirigent vers elle. Elle dispose à terre les petites boules de nourriture. On jurerait de petites braises fumantes. Les coquifeux, rendus presque rapides par la faim, sont là. Leurs antennes s’agitent d’excitation. Ils dévorent goulûment la nourriture brûlante. Déjà, pour faciliter la digestion, leur corps bave encore plus. Cette sorte de transpiration suinte de partout. Elle tombe à grosses gouttes sur le sol. Rawene sort de son sac à dos des bouteilles en verre surmontée d’une myriade de petits tuyaux. Il y en a tellement qu’on dirait des tentacules ou bien des petites perruques de cheveux. Avec des gestes sûrs, la jeune fille ventouse les tuyaux sur les pores les plus humides. Ensuite, après quelques caresses sur les corps mous, elle s’assoit à côté du troupeau pour les regarder manger. Buhl a déjà fini et vient s’assoupir à côté d’elle.

Il n’existe aucune boisson plus rafraîchissante au monde que celles préparées à base de « bave de coquifeux », également appelée « fraîcheau » par les astucieux commerciaux qui y voyaient un nom plus vendeur. Cette bave se décline en cocktails divers et, en été, quand les températures du reste du monde se rapprochent de celle de la Contrée Volcanique, on se précipite dessus. Cela ne cessera jamais de faire rire Rawene : imaginer tous ces gens, qu’elle voit comme des urbains raffinés, boire à grands prix de la bave de gros escargots. « C’est parfois surprenant, ce qui est chic » pense Rawene. Pour elle, la « fraîcheau » n’a rien d’exotique. Elle en a quand elle veut. D’ailleurs, elle va en boire une rasade. C’est que, pour la première fois de la journée, elle a un peu chaud. 

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